Les populations de caribous forestiers et de bélugas du Saint-Laurent sont dangereusement en déclin. Comment est-ce possible considérant tous les efforts déployés pour les sauver ?
Il faut se rendre à l’évidence : nos stratégies de conservation de la nature, fondées sur la protection d’une espèce rare, sont inefficaces. Est-ce trop ambitieux de les changer ? Ne devrait-on pas sauvegarder l’intégrité d’un écosystème auquel sont liés tous les êtres vivants plutôt que de s’attarder au sort d’un seul animal, aussi emblématique soit-il ?
Selon Michel Leboeuf, cela implique une prise de conscience sans équivoque qui devrait nous pousser à attribuer à la Nature des droits fondamentaux. Comme ceux que l’on reconnaît à tous les humains sans distinction.
Extrait
Lorsque mon regard s’est posé sur lui pour la première fois, le cervidé broutait paisiblement. Une belle bête au pelage brun chocolat ; un caribou femelle d’une centaine de kilos, affichant de superbes bois de velours.
Il était tôt en ce matin d’août, mais déjà, l’humidité ambiante laissait entrevoir une journée étouffante. Les muscles de ses flancs et de ses hanches étaient parcourus de spasmes, volontaires, destinés à chasser moustiques et autres insectes volants qui l’enquiquinaient. À intervalles réguliers, l’animal balançait sa tête de gauche à droite pour déloger ceux qui se posaient sur son museau ou au coin de ses yeux.
À un certain moment, le caribou s’est aperçu de ma présence et, mi-curieux, mi-blasé, il a relevé la tête pour regarder brièvement dans ma direction tout en continuant de ruminer.
Pendant une seconde ou deux, peut-être un peu plus, nous nous sommes dévisagés. À quoi pensait-il ? Songeait-il seulement à quelque chose ?
Je ne l’importunais pas en tout cas, car il en avait vu d’autres ; j’étais un parmi des centaines de visiteurs du zoo qui, chaque jour, s’arrêtaient devant son enclos pour l’observer ou le photographier.
J’aurais bien aimé pouvoir observer des caribous en nature. Ce n’est pas faute d’avoir essayé. À deux reprises durant les dernières années, j’ai arpenté les sommets des Chic-Chocs, en Gaspésie, dans l’espoir d’apercevoir les quelques caribous montagnards qui y subsistent encore. Par trois fois, je me suis rendu en Charlevoix à la recherche des caribous forestiers du parc national des Grands-Jardins. En vain.
Finalement, en comprenant qu’il fallait sans doute les laisser tranquilles, eux qui se faisaient de plus en plus rares, et éviter de les déranger outre mesure, simplement pour satisfaire ce besoin égoïste de les étudier dans leur milieu naturel, j’ai décidé de me contenter d’une visite au petit zoo de Sainte-Anne-de-Bellevue, à l’extrémité ouest de l’île de Montréal, pour contempler des représentants de l’espèce.
On en parle
En détaillant de façon captivante les raisonnements scientifiques ayant mené aux notions actuelles d'écologie et en appuyant sa démarche d'exemples concrets, Michel Leboeuf réussit le tour de force d'expliquer clairement, sans s'encombrer de statistiques ni de justifications politiques, que les efforts de préservation du caribou ont échoué et continueront d'échouer tant que prévaudront les stratégies traditionnelles axées sur l'espèce mais négligeant son écosystème. Lecture indispensable pour les jeunes et les moins jeunes.
– Nature sauvage
Ce que j'ai beaucoup aimé avec cette lecture, c'est que Michel Leboeuf nous permet de mieux saisir l'écosystème dans son ensemble et apporte des pistes de solutions qui pourraient être appliquées, si notre perception des espèces menacées et des écosystèmes changeait [...] une lecture passionante.
– Mon coussin de lecture