Les préoccupations écologistes et la protection de l’environnement s’imposent aujourd’hui comme un devoir civique fondamental. Des milliers d’activistes, de scientifiques, de médecins et de juristes se sont ralliés à l’idée de penser globalement et d’agir localement pour la suite du monde. Au Québec, leurs engagements sont issus d’une prise de conscience née dès les années 1960, alors que des groupes citoyens lançaient les premières alertes à la pollution tout en osant remettre en question la société de consommation qui lui est associée. Depuis, les défis que soulèvent le développement durable, les changements climatiques ainsi que la protection des espèces et des espaces naturels ont rendu leurs batailles encore plus pertinentes, voire permanentes.
À partir de documents d’archives et d’entrevues exclusives avec des personnalités de premier plan dans le développement de l’écologie politique et sociale, l’auteur retrace l’évolution du mouvement écologique québécois et la persistance de ses enjeux.
Extrait
Les écolos, selon la caricature que l’on a en fait, ont peut-être tenu le rôle de prophètes de malheur pendant les années 1960 et 1970, alors que la civilisation virait dans la consommation à tout crin. Ils auraient sonné le tocsin trop tôt ? Les symptômes d’un dérèglement de la Nature sous l’effet de l’exploitation que l’on en faisait, allaient en s’aggravant. Les naturalistes, devenus environnementalistes devenus écolos, devenus verts montraient bien que notre rapport au monde et à nous-mêmes se fragilisait. Mais de nombreux Homo sapiens moyens avaient la tête ailleurs.
Il n’y a pas de petites victoires. Depuis les premiers gains des écologistes, l’eau est plus saine, on a sauvé la couche d’ozone, on a interdit le flottage du bois sur les rivières du Québec, on a cessé de répandre du DDT, l’agriculture biologique a pris une place assurée dans le paysage agroalimentaire, les pluies acides ont été contenues, l’essor fabuleux de l’énergie éolienne et du solaire permet d’en envisager une production d’énergie renouvelables, le bar rayé, espèce menacée dans le Saint-Laurent, a maintenant été sauvé, l’élimination du plomb dans l’essence a sauvé des milliers d’enfants de problèmes neurologiques, le bannissement de l’amiante a sauvé la vie de milliers de travailleurs et de travailleuses, la superficie des aires protégés a augmenté de 17 % au Québec, le réseau de pistes cyclables de Montréal est devenu un modèle, l’instauration de multiples commerces équitables, le virage biologique dans l’alimentation, la mise en place d’un système de récupération et de recyclage, l’électrification des transports est commencée, le Québec a mis un terme à ses projets d’exploration de pétrole et de gaz.
Les initiatives, jadis marginales, mises de l’avant par des écologistes audacieux, ont fait école. De nombreuses initiatives surgissent ici et là en agriculture biologique, en alimentation, en éducation, en gestion des déchets, en développement viable, en génie civil, en architecture, en conservation, en récréologie, en mobilité et montrent bien que le souci environnemental est là pour rester et qu’il est bien inculqué comme valeur civique au sein d’une bonne partie de la population. Plus rien n’est marginal dans l’écologie.
Mieux, aucune initiative de développement, aucun projet industriel ne peut aujourd’hui être envisagé sans qu’il soit assorti d’une acceptabilité sociale qui a aujourd’hui une forte composante écologiste. Et on commence à examiner les chaines de productions manufacturières à l’aune de l’économie circulaire qui règlera en bonne partie le problème des déchets.
Toutefois, nous sommes toujours et encore mal barrés en considérant les problèmes relatifs au climat, à la production d’énergie, à la déforestation, à la pauvreté dans le monde, comme si cela échappait à notre contrôle, ou comme si cela révélait que le système de gouvernance qui organise le monde n’était plus tout à fait approprié pour relever ces défis. La génération verte montante sera-t-elle donc en rupture avec l’élite politique et sociale qui parait de jour en jour impuissante à faire face à ces nouveaux enjeux ?
Les écologistes de la première heure, les ainés de Greta avaient raison, les contemporains de Greta aussi. On ne peut pas oser contre la planète, il faut oser pour la planète. Les quelques batailles locales ou régionales devenues des victoires permettent de mieux respirer malgré que le carbone augmente dans l’air. Le plus large combat pour construire un monde viable, plus humain, qui mérite d’être durable. Et il ne fait encore que commencer. On peut faire confiance à notre indignation. Et à notre attachement à la beauté des choses. Car la beauté du monde doit être sauvée. Comme dit la chanson-monument.
On connaît mieux que jamais la fragilité de la planète et les tares de l’économie qui l’affecte dangereusement. Ils étaient des dizaines, ils sont aujourd’hui des milliers, partout dans le monde, à monter au front pour des batailles. Mais réussiront-ils à provoquer le grand changement social que commande maintenant l’enjeu des changements climatiques ? Oserons-nous marcher et agir à leurs côtés ?
On en parle
Le livre contient une foule impressionnante d'informations précieuses sur les sujets qu'il aborde. S'y mêlent quelques tranches de vie de l'auteur, des rappels du rôle qu'ont joué certains grands personnages dans tout cela et une riche chronologie des événements, des découvertes et des initiatives politiques, de 1856 à nos jours.
– Normand Baillargeon, Les Libraires, Septembre 2022
Incontournable, cet essai !
– Jean-François Crépeau, Le Canada français, 23 juin 2022