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En science, le Canada est le cancre des pays industrialisés

03.10.19

Mon œil, une série de billets signés Mathieu-Robert Sauvé


« La recherche scientifique – fondamentale et appliquée – mérite un plus grand soutien de la part de toutes les nations », dit un rapport de l’UNESCO signé par une équipe scientifique en 2016 qui précise que les nations industrialisées devraient investir au moins 3 % de leur produit intérieur brut (PIB) à la recherche.

Alors que des nations comme Israël (4,25), la Corée (4,23), la Suisse (3,37), la Suède (3,25), le Japon (3,14) et l’Autriche (3,09) sont au-dessus de la barre des 3 %, le Canada expose un gênant 1,53 % de son PIB consacré à la science dans le répertoire international tenu à jour par la Banque mondiale. Après avoir atteint un « sommet » à 2,28 % en 2001, le Canada est en chute libre depuis. Pas étonnant que science et innovation soient des thèmes absents de l’actuelle campagne électorale.

Ce ne sont pas les défis qui manquent. Biotechnologie, intelligence artificielle et lutte contre les infections ne continueront de progresser que si on y met la matière grise et… l’argent. Sans parler des problèmes immédiats qui méritent l’attention de nos meilleurs cerveaux : lutte aux changements climatiques, allocation des ressources en santé, prévention des épidémies, etc. « Les dépenses en recherche et développement sont des dépenses courantes en capital (privées et publiques) pour financer des travaux créatifs entrepris systématiquement pour accroître les connaissances, notamment les connaissances relatives à la race humaine, à la culture et à la société ainsi que pour utiliser ces connaissances dans de nouvelles applications », dit la prose presque lyrique de la Banque mondiale.

Débat en Europe; silence au Canada

En Europe, la question du 3 % occupe les débats politiques depuis une quinzaine d’années. En Belgique, on vise les 3 % du PIB pour 2020. En France, dit un document du gouvernement, « l’effort de recherche s’élève à 2,23 % en 2012, ce qui la situe au 8e rang européen. » Lorsqu’il était candidat aux élections présidentielles, Emmanuel Macron avait dit qu’il entendait « consacrer 3 % du PIB à la recherche et au développement dans le cadre d’une stratégie quinquennale ». Un an après son accession au pouvoir, sa ministre de l’Enseignement supérieur et de la Science, Frédérique Vidal, faisait le point avec des journalistes de Science et Avenir et La Recherche. À 2,5 % du PIB, concède-t-elle, on est encore loin du compte, mais le gouvernement garde le cap. « C’est un objectif essentiel à mon sens », affirme-t-elle avant d’ajouter que l’Allemagne, qui s’approche de l’objectif, se fixe un nouvel objectif : 3,5 %.

Alors qu’elle était vice-rectrice à l’Université d’Ottawa, Mona Nemer déclarait : « Ce n’est pas normal que certains pays émergents se classent mieux que nous dans les classements internationaux. » Qu’en dit-elle aujourd’hui, depuis que Justin Trudeau l’a promue « scientifique en chef » du Canada?

Dans le seul texte publié à ma connaissance sur le sujet dans les médias québécois depuis 10 ans (le mien), l’historien des sciences Camille Limoges résumait la chose en ces termes : « Le Canada est un cancre depuis toujours parmi les pays industrialisés. »


Journaliste et auteur, Mathieu-Robert Sauvé a signé des textes dans une quinzaine de publications dont L’actualité, Le Devoir, La Presse et Québec science et publié des essais et biographies chez Boréal, VLB, Québec Amérique, XYZ et MultiMondes. Il a remporté plusieurs prix de journalisme et d’écriture. Reporter à Forum de l’Université de Montréal depuis 1988 et rédacteur en chef du magazine Les diplômés, de 2015 à 2017, il a été chroniqueur scientifique aux émissions L’après-midi porte conseil, La nuit qui bat et Médium large à la Première chaîne de Radio-Canada, et blogueur à l’Agence Science-Presse. Il a présidé l’Association des communicateurs scientifiques du Québec de 2008 à 2012 et participé à de nombreux jurys.

Le nom de sa série de billets chez MultiBlogues, Mon œil, fait allusion à son regard sur l’actualité, mais c’est aussi l’expression du scepticisme nécessaire.

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