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Est-ce que l’éducation relative à l’environnement a un impact sur le comportement des jeunes ?

25.11.21

LE CHAMP DE PAPILLONS

Ses petits yeux guettent… intrigués. Elle attend.

« Mamie dit que ça ne devrait pas tarder. Qu’il arrivera aujourd’hui. Qu’il faut être patiente. »

Or, sa patience est celle d’une enfant de quatre ans.

Sur son horloge, les minutes s’égrènent à la vitesse des heures.

Puis cela se produit enfin : la chrysalide éclot.

De cette enveloppe de métamorphose dont s’est habillée une chenille, il y a de cela deux semaines, surgit un papillon monarque. Ses ailes, repliées sur elles-mêmes, se déploient avec lenteur.

Dans le regard de ma fille, l’impatience a cédé la place à l’émerveillement.

Mamie explique que l’insecte doit d’abord sécher ses ailes avant de voler. Ensuite seulement, ce sera le moment de le libérer.

« Il est prêt maintenant, mamie ? »

« Non, pas encore. »

« Et maintenant ? »

« Presque. Il lui faut encore un petit peu de temps… »

« Et là ? Je peux ? »

« Oui, tu peux. »

Elle tend alors ses doigts fébriles vers le papillon, qui y dépose ses petites pattes toutes neuves.

« Ça chatouille. C’est drôle. »

Délicatement, ma fille lève la main au vent. Le papillon s’envole. Dans un même souffle, je l’entends lui souhaiter « bon voyage ».

« Bon voyage » parce qu’elle sait que bientôt ce monarque s’engagera, avec des millions d’autres, dans un grand périple vers le Mexique. Et que si mamie et grand-papa ont pris soin de couvrir la plantation d’asclépiades d’un mince filet, c’est pour protéger de leurs prédateurs les chenilles de cette espèce menacée par l’activité humaine.

« Est-ce que l’éducation relative à l’environnement a un impact sur le comportement des jeunes ? »

Lorsque MultiMondes m’a proposé d’écrire un billet sur la question, j’ai tout de suite pensé aux papillons.

Puis à l’étang, où ma plus grande a acquis son titre de charmeuse de grenouilles. « Le truc pour les attraper, c’est de placer les mains en avant. Faut surtout pas arriver de côté ou qu’elles voient ton ombre, parce qu’elles vont te prendre pour un prédateur et se sauver. »

Et aussi à la façon qu’elle a de guider mes pas en forêt pour éviter les trilles « qui mettent au moins sept ans à produire leur première fleur ».

Mes enfants ont beaucoup appris de leur grand-mère, enseignante et éducatrice en environnement de profession.

À l’époque où ma mère a commencé à pratiquer, le ministère de l’Environnement avait mis en place un Service d’éducation relative à l’environnement. Un comité interministériel visant à en faire la promotion rassemblait des représentants d’autres ministères, dont celui de l’Éducation.

Puis au milieu des années 1990, le Québec a pris le tournant du développement durable. L’éducation relative à l’environnement, qu’on aurait pourtant dite indissociable d’un projet de développement durable, a été reléguée au second plan.

Trente ans plus tard ? Étudiants et chercheurs militent encore pour l’adoption d’une Stratégie québécoise d’éducation en matière d’environnement et d’écocitoyenneté.

L’absence, ou la quasi-absence, d’éducation relative à l’environnement dans le cursus scolaire rappelle encore une fois la nécessité de sortir notre système d’éducation de son carcan industriel hérité du XIXe siècle. Le fait est qu’il ne s’agit plus simplement de former de « bons travailleurs », mais d’outiller des citoyens pour répondre aux défis du présent siècle.

Mais bon. On ne refait pas le système d’éducation comme on écrit un billet pour un blogue. Et sur l’importance de l’éducation relative à l’environnement, les réflexions que j’ai envie de partager ici sont beaucoup plus modestes.

La première est sémantique. Elle concerne l’expression « éducation relative à l’environnement » ou plus précisément ce petit mot coincé entre « éducation » et « environnement » : relative. La proposition ici est celle d’une éducation sur notre relation à l’environnement, et non pas simplement d’une éducation « au sujet de » l’environnement. Bref, il ne s’agit pas d’étudier la nature comme un élément extérieur et distinct, mais bien d’entrer en relation avec celle-ci.

Ce qui suppose que l’humain aille à sa rencontre. L’immersion a déjà fait ses preuves pour l’apprentissage d’une langue. Pourquoi pas en ce qui concerne la nature ? Son seul contact change la perception qu’on en a, la valeur qu’on lui accorde et par conséquent nos comportements. Après tout, on mesure mieux l’importance de protéger quelque chose que l’on connaît. Et on s’instruit aussi par l’observation.

Ce qui m’amène à un dernier constat, si simple qu’il peut paraître dérisoire, mais tant s’en faut : la valeur de l’émerveillement. Parce que le monde, aussi saccagé soit-il, reste plein de beautés.

Si cette curiosité devant la splendeur du vivant mérite d’être entretenue à tout âge, elle gagne très certainement à être semée dès l’enfance, lorsque le terreau est riche de sensibilité et d’étonnement devant toutes choses et que l’esprit est dépourvu de conceptions hiérarchiques sur le vivant.

Faire de l’éducation relative à l’environnement ne se réduit pas à informer sur le péril de notre planète, c’est aussi apprendre à admirer toutes les splendeurs qu’elle déploie.

Des splendeurs (c’est sans doute pour ça que j’ai pensé au champ de papillons), mamie et grand-papa en ont plein leur jardin. Parce qu’il ne s’y cultive pas que des asclépiades, mais aussi de l’émerveillement et de la connaissance.

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