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Low-tech ou high-tech l’agriculture urbaine?

15.05.19

Un billet de Bertrand Dumont, auteur de la nouveauté Le potager en pot.


Comme pour toute « nouvelle » technique, il existe différentes approches. L’agriculture urbaine n’y échappe pas. D’un côté, il y a les partisans de l’agriculture urbaine low-tech et de l’autre ceux du high-tech. C’est bien plus qu’un désaccord technique. C’est avant tout une manière d’aborder les enjeux de l’agriculture urbaine et de l’organisation de la société.

L’agriculture urbaine high-tech

Elle prend de l’expansion au cœur des villes. Il s’agit des fermes hydroponiques ou d’aquaponie installées sur les toits des édifices, sous serres, ou encore dans des bâtiments ou des hangars. Les cultures sont contrôlées, ou dans le cas des cultures sous abris opaques, hypercontrôlées. Tous les éléments nécessaires à la croissance de la plante (lumière, eau, engrais, etc.) sont maîtrisés à l’aide de la technologie. Le plus souvent à la verticale quand elles sont sous abris opaques, ces productions high-tech présentent plusieurs avantages.

Elles sont généralement peu gourmandes en eau, puisque celle-ci est recyclée. L’eau qui finit par être rejetée est peu polluée, notamment par des substances nutritives, car celles-ci sont apportées selon les besoins spécifiques de la plante, qui les utilise presque en totalité. Ces aires de production sont situées au cœur même de la ville, parfois même dans des bâtiments industriels réhabilités. Ou encore sur le toit des bâtiments industriels dans le cas de serres. Elles occupent donc des espaces qui ne sont plus « utiles ». Le circuit de distribution entre le producteur et les consommateurs est donc très court.

Par contre, il existe aussi quelques inconvénients. La gestion des fermes hydroponiques ou d’aquaponie demande un haut niveau de technicité. Il faut donc avoir accès à de la main-d’œuvre spécialisée, des spécialistes à la fois en culture comestible et en technologie. Dans le cas des projets sous abris opaques, il faut générer de la lumière et donc utiliser de l’électricité. Si celle-ci est propre (éolien, solaire, hydraulique, etc.), le problème est moindre. Toutefois, se passer de l’énergie bénéfique, et gratuite, du soleil est un non-sens pour plusieurs agriculteurs urbains. Il s’agit de projets commerciaux où il est souvent difficile de faire participer la communauté. L’accessibilité au plus grand nombre est donc limitée. Ce ne sont pas toutes les plantes comestibles que l’on peut cultiver en hydroponie ou en aquaponie. De plus, le milieu est « aseptisé », il y a donc des risques de pertes de biodiversité. La gestion des matières organiques peut aussi parfois représenter un défi. Finalement, la question du goût se pose, car avec l’agriculture urbaine high-tech, il n’y a pas la notion de terroir.

L’agriculture urbaine low-tech

C’est celle qui se pratique, en pleine terre ou en contenant, un peu partout, sur les terrains municipaux, institutionnels, gouvernementaux, commerciaux ou industriels. Elle est issue de la culture traditionnelle. Ses partisans considèrent que l’agriculture urbaine présente de nombreux avantages :

    • accroissement de la résilience humaine ou environnementale;
    • engagement élevé des citoyens;
    • promotion de la santé et des saines habitudes de vie;
    • acquisition de connaissances facilitant la résilience sur la production;
    • sensibilisation à la protection de la nature, promotion de la résilience;
    • bonification des interactions sociales et de loisirs (amélioration des liens sociaux, des liens intergénérationnels, de la mixité et la cohésion sociale);
    • développement de l’économie circulaire;
    • lutte contre les îlots de chaleur urbains;
    • gestion des eaux pluviales;
    • augmentation de la biodiversité,
    • gestion facile du recyclage et des déchets;
    • diminution de la présence de produits toxiques (sol et air).

Dans le cas des micro-fermes commerciales, il est beaucoup plus facile d’y accueillir des non-spécialistes et de les former. Elles permettent aussi de « sacraliser » des terres et de limiter ainsi la destruction des zones vertes autour des villes.

Il existe aussi des inconvénients. C’est le cas des conflits d’usage, par exemple quand plusieurs terrains en zone résidentielle deviennent des mini-microfermes (spin-farm). Ou encore que l’élevage urbain (poules, abeilles, etc.) crée des controverses. Un manque ou un abandon d’engagement de la communauté peut aussi devenir problématique. L’utilisation de friches industrielles, au sol contaminé, demande des précautions qui peuvent être contournées pas une utilisation adéquate de la culture en contenant. La présence trop importante et pour des durées de temps trop longues des sols à nu (il existe toutefois des solutions) peut entraîner de l’érosion.

Le cas des champignons

C’est sûrement la culture qui réconcilie le mieux les agricultures urbaines low-tech et high-tech. Elle se fait à l’intérieur des bâtiments, avec apport partiel de lumière pour remplacer celle du soleil. La première partie de la culture se fait même à la noirceur. On utilise aussi des matières organiques recyclées.

Alors, low-tech ou high-tech l’agriculture urbaine?

Personnellement, j’ai un plus grand intérêt pour l’agriculture urbaine low-tech et son cortège de bienfaits que pour l’agriculture urbaine high-tech. J’aime aussi le fait que l’agriculture urbaine low-tech change profondément le rapport des citoyens à la ville. Je ne pense toutefois pas qu’il faille rejeter complètement les projets d’agriculture urbaine high-tech. Pour certains projets et dans certaines conditions, l’agriculture urbaine high-tech a sa place. Une place limitée, bien identifiée, précédée d’études de faisabilité et de rentabilité en ce qui me concerne.


Bertrand Dumont est horticulteur, auteur et conférencier. On peut lire d’autres articles sur son blogue : Horticulture urbaine sur horti-media.com.

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