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Une culture de saison : les céréales d’automne
Un article d’Audrey-Maude Vézina
Les feuilles rougissent dans les arbres, ajoutant de la couleur à nos journées qui refroidissent. La machinerie s’active dans les champs agricoles pour les dernières récoltes de l’année… ou presque. Alors que plusieurs terres se vident, d’autres se remplissent. Pour certains producteurs, septembre est le temps des semis pour les céréales d’automne.
Les pousses ont quelques semaines pour grandir et s’endurcir avant la saison glaciale. « Le plant accumule de la résistance au froid grâce à des sucres protecteurs qui lui permettent de passer l’hiver, mais il ne faut pas semer trop tard parce qu’il n’aura pas assez de temps de préparation pour survivre », explique Francis Allard, professionnel de recherche à l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA).
Semées avant la saison froide, la moisson des céréales d’automne se fait dès la fin du mois de juillet jusqu’à la mi-août, à la différence des céréales de printemps qui sont plantées au début du mois de mai et récoltées à la fin août. Pourquoi laisser les jeunes pousses subir nos hivers québécois si l’on récolte quand même les grains à l’été ? En fait, ce sont elles qui le demandent. Les céréales d’automne ont besoin d’un cycle froid pour déclencher leur floraison. Les épis ne se forment pas sans ce passage obligé au congélateur.
Une culture bénéfique
À la fin de la moisson du printemps, peu d’options s’offrent aux producteurs. Certains laissent le sol à nu, mais d’autres décident de mettre leur terre à profit grâce aux céréales d’automne.
Le rendement est meilleur qu’avec les céréales de printemps, avec un gain de 25 à 40 %. Cela s’explique par une saison de croissance plus longue, mais aussi un climat plus favorable. « Les céréales n’aiment pas les canicules. Elles préfèrent des températures de 20 à 25 °C », précise Francis Allard, détenteur d’un baccalauréat en agronomie et d’une maîtrise en biologie végétale à l’Université Laval.
Et les avantages ne s’arrêtent pas à la productivité. La santé du sol y gagne aussi. En effet, elle profite d’une barrière contre l’érosion de l’eau grâce aux jeunes pousses. À la fonte des neiges, l’eau peut creuser des sillons dans le sol et ces crevasses engendrent une perte de sédiments. Par ailleurs, les plants contribuent à l’activité microbienne du sol. « Ce n’est pas aussi performant qu’un engrais vert qui contient beaucoup de biomasses, mais les avantages sont là », rapporte-t-il.
Autre bénéfice : un besoin minimal en herbicides. Les céréales occupent déjà le champ au printemps alors elles font concurrence aux mauvaises herbes « Les céréales font le travail pour toi », soutient le professionnel de recherche.
Un bel avenir au Québec
Avec tous ces avantages, pourquoi la pratique n’est-elle pas plus répandue ? Un défi demeure dans l’adoption des céréales d’automne : la survie sous la neige. Auparavant, les hivers rudes étaient sans répit pour les plants. Aujourd’hui, le climat est plus doux et les céréales d’automne en profitent. Le bon drainage des sols amoindrit aussi les pertes pour les producteurs. Lors des redoux, l’eau de fonte s’écoule adéquatement et empêche les plants d’être emprisonnés dans la glace. Avec tout ça, Francis Allard soutient que le potentiel des céréales d’automne au Québec est indéniable.
Audrey-Maude Vézina est détentrice d’un baccalauréat en physique de l’Université Laval. Elle avait « plus envie de parler de recherche que de la faire », alors elle s’est réorientée en journalisme scientifique. Elle est lauréate de la bourse Fernand-Séguin 2018. Elle a contribué au site web du magazine parisien La Recherche. Ses thèmes de prédilection sont l’environnement et la biodiversité.
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