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Voies réservées pour la biodiversité
Un article d’Audrey-Maude Vézina
En quarante ans, les populations d’animaux sauvages ont diminué de 60 %. Les principales causes de ce déclin de la biodiversité : la perte de territoires et leur fragmentation. L’humain s’étend et force ainsi la faune à contourner de nouvelles barrières. Comment aider les espèces dans leurs déplacements? Plusieurs organisations optent pour des corridors écologiques qui relient les milieux naturels entre eux.
Des corridors écologiques nécessaires à la survie
Reconnecter des habitats, voilà le défi. Trame verte, trame bleue, couloir forestier. Les initiatives portent plusieurs noms, mais leur objectif est le même : favoriser le maintien de la biodiversité. La forme des corridors varie selon le niveau de conservation recherché ou l’espèce visée. Par exemple, certains sont de type « pas à pas ». Il s’agit d’une suite d’îlots non connectés qui privilégie le déplacement des oiseaux. Ces derniers passent d’une zone à l’autre et peuvent s’y reposer. D’autres corridors sont continus. Ils ciblent davantage la circulation de la faune terrestre, car il y a un couvert constant.
La connexion des territoires favorise le maintien des populations. Si les habitats sont trop petits ou fragmentés, certaines espèces ne peuvent pas survivre à long terme. Les milieux naturels interconnectés leur permettent alors de circuler dans des territoires plus vastes. « Une meute de loups contrainte dans une petite forêt, comme le mont Saint-Hilaire ou le mont Saint-Bruno, ne survivra pas longtemps. Cet animal a besoin de milliers de km2 pour subsister », explique René Charest, spécialiste en conservation chez Parcs Québec, Sépaq. La surface nécessaire pour maintenir une population en santé varie d’une espèce à l’autre. Une grenouille n’aura pas les mêmes besoins qu’un orignal, mais elle doit être capable de se déplacer. « Les corridors écologiques sont utiles à toutes les échelles », ajoute-t-il.
Les couloirs ne servent pas uniquement de passage. Certains animaux peuvent aussi s’y établir. Or, ces zones ne bénéficient pas du même statut de conservation que les réserves écologiques ou les parcs nationaux. « Les corridors ne sont pas tous protégés. Il y a parfois de la chasse, des coupes forestières ou d’autres utilisations du territoire », informe René Charest.
… surtout avec les changements climatiques
Favoriser le déplacement de la faune est essentiel pour leur survie par rapport au réchauffement du climat. En effet, de nombreuses espèces vont migrer vers le nord et rencontrer plusieurs embûches sur leur chemin. Certains obstacles artificiels ou naturels empêcheront leur migration. « Prenons par exemple une population qui habite le nord des États-Unis. Lorsqu’elle voudra se déplacer, elle va se buter à un territoire impossible à traverser. Le sud du Québec est très développé », soutient le spécialiste. Les corridors ne servent pas uniquement à la faune. La flore migrera aussi vers le nord. « Souvent, le froid et les conditions rigoureuses empêchent les graines de germer. Or, le climat favorable va permettre aux arbres de s’implanter de plus en plus haut », souligne-t-il.
Les chercheurs font plusieurs projections sur les déplacements à long terme de la faune et de la flore. Or, elles dépendent de l’effet réel des changements climatiques. « C’est très variable dans le temps et l’espace. Les prédictions sont un peu comme la météo. On peut prévoir ce qu’il va faire dans 50 jours, mais ce ne sera peut-être pas ça », prévient René Charest. Une chose est certaine, les corridors écologiques sont bénéfiques.
Audrey-Maude Vézina est détentrice d’un baccalauréat en physique de l’Université Laval. Elle avait « plus envie de parler de recherche que de la faire », alors elle s’est réorientée en journalisme scientifique. Elle est lauréate de la bourse Fernand-Séguin 2018. Elle a contribué au site web du magazine parisien La Recherche. Ses thèmes de prédilection sont l’environnement et la biodiversité.
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