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Pissenlits, autisme et « fake science »
Mon œil, une série de billets signés Mathieu-Robert Sauvé
Père de famille de Vancouver, Emmanuel Bilodeau a refusé de faire vacciner ses enfants quand ils étaient en bas-âge, car son ex-femme craignait que le vaccin cause l’autisme. Récemment, à la suite d’un voyage au Vietnam, un de ses fils a attrapé la rougeole qu’il a transmise à son entourage à leur retour au Canada. La famille est « au centre d’une éclosion de rougeole à Vancouver », selon le reportage de Ryan Patrick Jones, de la CBC Colombie-Britannique. Un 8e cas de rougeole inquiète les autorités de santé publique.
Cette situation n’est pas propre au Canada. En Europe, on a rapporté une augmentation significative du nombre de cas de rougeole l’an dernier, un phénomène qu’on attribue en partie au nombre croissant de parents qui refusent d’autoriser la vaccination pour leurs enfants, selon l’Organisation mondiale de la santé. La rougeole est une maladie très contagieuse, mais facile à prévenir par la vaccination.
Rappelons qu’aucune étude épidémiologique n’a démontré un lien entre l’autisme et l’injection d’un vaccin. Cette pseudo association s’appuie sur un des cas les plus spectaculaires (et dévastateurs) de fake science de l’histoire. Causé en 1998 par un fraudeur, Andrew Wakefield, le lien a été démenti notamment par une méta analyse de 1,5 million de dossiers médicaux. L’article à l’origine de la méprise a été retiré du site de l’éditeur The Lancet depuis 2010. Mais les adeptes de théories du complot et de pseudoscience continuent de la faire circuler.
Les journalistes sont-ils en train de perdre la guerre des fake news dans le secteur de la science?
C’est ce que craint la journaliste scientifique américaine Laura Helmut, qui exprimait son pessimisme devant la National Association of Science Writers des États-Unis au congrès de février 2018. Aux désinformations classiques qu’on connaît bien en matière de science s’ajoutent désormais les problèmes liés aux véhicules de diffusion de la connaissance. À l’ombre de la communication savante officielle s’est développé un réseau de fausses revues scientifiques qu’on qualifie de « prédatrices ». Pourquoi ce qualificatif ? Parce qu’on compare leurs éditeurs à des prédateurs dans un écosystème où de nombreux chercheurs (les proies) sont en état de vulnérabilité. À la recherche de visibilité pour leurs travaux, ils sont prêts à échanger leur production intellectuelle pour quelques promesses.
Un indice de la fake science
Des experts québécois de la communication scientifique menés par Jean-Marc Fleury, un vieux routier qui a notamment dirigé Québec science et fondé la Fédération mondiale des journalistes scientifiques, travaillent actuellement à un projet d’indice de la fake science qui permettra aux gens de s’y retrouver. « Comment savoir si l’article que vous avez sous les yeux provient d’une revue savante fiable ou d’une revue sans aucune crédibilité scientifique? C’est très difficile de s’y retrouver », explique-t-il au cours d’une entrevue téléphonique de son bureau de Gatineau.
Chercheur associé au Centre d’études sur les médias de l’Université Laval, le titulaire de la Chaire Globemédia sur le journalisme scientifique aimerait mettre au point d’ici un an un « pèse-savants » évaluant la crédibilité des études et des énoncés scientifiques à partir d’indices bibliométriques. Journalistes et simples citoyens auraient accès à une échelle pouvant prendre diverses formes – des couleurs par exemple – qui donnerait une idée rapidement de la validité de l’article qu’ils lisent.
« Les articles scientifiques aux conclusions douteuses ou fausses ne représentent qu’une faible partie des deux millions d’articles scientifiques publiés chaque année, expliquent Fleury et ses collègues dans leur présentation du projet qui a été financé par le Fonds de la recherche du Québec. Néanmoins, même après avoir été dénoncés et ‘retirés’, ils persistent dans la littérature scientifique, en partie grâce aux revues prédatrices. Ces articles polluent le journalisme scientifique, la communication savante et même la recherche. Le public conclut qu’il n’y a pas de consensus scientifique, qu’on ne sait pas et, qu’au final, toutes les options se valent. »
Un exemple? « Le pissenlit renforce le système immunitaire et guérit le cancer ». Cette nouvelle a obtenu 1,4 million de réactions sur Facebook. Que peuvent les 50 000 cliniciens et chercheurs engagés en recherche médicale qui savent bien, eux, que le pissenlit ne peut rien contre le cancer?
Journaliste et auteur, Mathieu-Robert Sauvé a signé des textes dans une quinzaine de publications dont L’actualité, Le Devoir, La Presse et Québec science et publié des essais et biographies chez Boréal, VLB, Québec Amérique, XYZ et MultiMondes. Il a remporté plusieurs prix de journalisme et d’écriture. Reporter à Forum de l’Université de Montréal depuis 1988 et rédacteur en chef du magazine Les diplômés, de 2015 à 2017, il a été chroniqueur scientifique aux émissions L’après-midi porte conseil, La nuit qui bat et Médium large à la Première chaîne de Radio-Canada, et blogueur à l’Agence Science-Presse. Il a présidé l’Association des communicateurs scientifiques du Québec de 2008 à 2012 et participé à de nombreux jurys.
Le nom de sa série de billets chez MultiBlogues, Mon œil, fait allusion à son regard sur l’actualité, mais c’est aussi l’expression du scepticisme nécessaire.
Une réponse à «Pissenlits, autisme et « fake science »»
Dommage que vous ne connaissiez pas la vraie histoire d’Andrew Wakefield. Vous auriez tout avantage à fouiller le sujet avant de répéter les fake news sur les soi-disant fake news!!! Allez , un p’tit effort, même juste l’article de Wakefield (que vous décrivez incorrectement).