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Le chat n’est pas aussi indépendant qu’on ne le croit
Par François Y. Doré
Les travaux en psychologie animale montrent que le chat est un animal très doué pour la vie avec les humains.
Il y a environ 12 000 ans, l’ancêtre de tous les chats a commencé à fréquenter les humains. Les premiers agriculteurs l’ont toléré parce qu’il se nourrissait des rongeurs qui infestaient leurs réserves de grains. Contrairement aux autres animaux domestiques sélectionnés artificiellement pour assumer des fonctions liées au transport (âne, cheval), à l’agriculture (vache, porc, mouton), à la chasse ou à la garde des troupeaux (chien), les humains ne lui ont confié aucune tâche particulière. Ils le tenaient à distance ou bien parce qu’ils l’adoraient littéralement, ou bien parce qu’ils l’accablaient de tous les maux. Divinisé par les Égyptiens durant l’Antiquité et apprécié dans le monde musulman pour avoir sauvé Mahomet de la morsure d’un serpent, le chat a été ensuite diabolisé en Europe et en Extrême-Orient et décrit comme un allié perfide des sorcières et un présage de malheur jusqu’au début du XXe siècle.
Aujourd’hui, dans la plupart des pays, le chat est l’animal de compagnie le plus populaire, ce qui est paradoxal puisqu’en plus de son apparente inutilité, il est souvent perçu comme indépendant et imprévisible. Les recherches scientifiques récentes montrent que cette réputation tient plus à notre méconnaissance de cet animal qu’à une réelle absence de sociabilité de sa part.
Car le chat n’est pas aussi indépendant que le veut la croyance populaire. Il est vrai qu’il vaut mieux ne pas insister pour provoquer des interactions avec lui et le laisser venir à nous. Les contacts durent plus longtemps s’il les recherche lui-même. Néanmoins, il est tout aussi affectueux et fidèle que le chien, mais il l’exprime autrement. La différence entre ces deux animaux domestiques est peut-être due à leurs origines. Le chien est issu d’un loup ancestral aujourd’hui disparu qui, comme le loup actuel, devait rester en communication avec les autres membres de sa meute, notamment pour coopérer dans la chasse des grosses proies et les partager. À l’opposé, le chat est un prédateur solitaire comme son ancêtre et tous les félins à part le lion et les jeunes guépards mâles. Il n’a donc pas à maintenir des interactions régulières et à se coordonner avec des partenaires pour capturer ses proies.
Plusieurs comportements montrent que le chat développe un attachement stable et durable envers son maître et qu’il apprécie sa présence. Il ajuste la répartition de ses activités diurnes et nocturnes en fonction du style de vie de son maître et de sa relation avec lui. Il est plus actif et moins stressé en sa présence qu’en présence d’un étranger. Il vocalise davantage quand c’est lui plutôt qu’un étranger qui le quitte.
Comme le chien, le chat distingue très clairement la voix de son maître et celle d’un étranger, et il reconnaît son nom même quand il est entremêlé avec d’autres mots et d’autres noms. Il comprend spontanément des gestes de communication comme lorsqu’on désigne un objet en le pointant du doigt ou en le regardant. Le chat détecte si nous lui prêtons ou non attention et ajuste son comportement en fonction des émotions exprimées par un humain avec lequel il a une relation personnelle soutenue.
La communication avec le chat ne se fait pas à sens unique. Dans ses interactions quotidiennes avec nous, il utilise différents types de comportements et de vocalisations qui semblent nous faire part de ses intentions, ses motivations et ses émotions. Par exemple, quand il fait face à un problème qui lui semble impossible à résoudre et qui l’empêche d’avoir accès à de la nourriture, il a tendance à regarder son propriétaire et à solliciter son aide par ce geste communicatif.
Le chat a aussi une personnalité qui lui est propre, c’est-à-dire des caractéristiques émotives, cognitives et comportementales qui le singularisent et qui perdurent dans le temps et d’une situation à l’autre. Il peut être audacieux ou méfiant, très sociable ou réservé, ouvert à la nouveauté ou plus craintif, agressif ou docile, imprévisible ou fiable. Chaque personne peut donc adopter un chat qui correspond à ses besoins, ses préférences et ses attentes.
François Y. Doré est professeur émérite à l’École de psychologie de l’Université Laval. Il est l’auteur de L’énigme du chat, récemment paru aux Éditions MultiMondes.
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Une réponse à «Le chat n’est pas aussi indépendant qu’on ne le croit»
Très intéressant