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Stress et pandémie : respirons par le nez!
Par Mathieu-Robert Sauvé
Les mots « stress » et « COVID » génèrent 899 millions de résultats en 0,81 seconde sur Google. Tu as peur d’attraper ce virus et de mourir au bout de ton souffle, de le transmettre à maman, à papa, aux enfants? As-tu ton N-95? Est-ce que tu as gardé deux mètres de distance avec le gars qui toussait? Ton chat est-il un vecteur? Est-ce que tu auras du papier de toilette à Noël?
« Stress sans détresse », répondrait l’endocrinologue montréalais Hans Selye (1907-1982), qui fut considéré comme un des plus grands scientifiques en son temps. C’est d’ailleurs le titre d’un de ses 39 livres (éditions La Presse, 1974), dans lequel il affirmait que le stress n’était pas uniquement un élément toxique. Sans stress, pas de vie, aimait-il à répéter. Il mettait sur un même continuum la menace d’une bagarre de rue et l’excitation d’un premier rendez-vous galant. Et il s’est évertué à démontrer qu’à l’intérieur même de nos cellules, le stress générait une réponse constante du métabolisme.
« Il serait faux de croire qu’il faut éviter le stress, parce qu’il est inévitable et parce que cela voudrait dire éviter la vie. Si vous ne faites plus aucune demande à aucun de vos organes, c’est que vous êtes mort. Durant la vie, un corps fait des demandes constantes. Il commande la respiration, son cœur bat, il doit remuer, faire quelque chose. Il est donc impossible d’éviter le stress », écrivait-il dans Le stress de ma vie (Stanké, 1956).
Si la communauté scientifique s’est graduellement approprié le terme « stress », notamment à la suite de textes du British Medical Journal commentant l’approche de Selye en 1950, le terme ne faisait pas l’unanimité lorsqu’il a été utilisé en santé humaine. Quand on répertorie aujourd’hui les langues qui ont adopté le mot « stress » dans sa graphie originale ou presque (on relève ici et là « stres » avec un seul s), on admet son acception universelle. On parle de stress en albanais, allemand, bosniaque, croate, danois, italien, ouzbek, roumain, slovaque, slovène, tagalog, tchèque, turc… Dans de nombreux autres groupes linguistiques, le stress n’est pas moins une réalité.
C’est à Montréal que les premières recherches sur le stress ont été réalisées. Mais Selye insistait beaucoup sur le fait qu’il avait surtout étudié la réponse métabolique au stress. Sa vraie contribution était en réalité la description du syndrome général d’adaptation et les trois phases qui l’accompagnent : l’alerte, la résistance et l’épuisement. Des trois, seule la dernière est à éviter. Une alerte nous met en garde contre un danger ou nous permet de percevoir un déséquilibre dans notre environnement; la résistance est la réponse de l’organisme à cet élément extérieur. Jusque-là, aucun danger. Le simple fait de marcher, quand on y pense, c’est passer d’un déséquilibre à l’autre. Pareil pour le stress. Passer d’un stress à l’autre, ça s’appelle vivre.
Fondatrice du Centre de recherche sur le stress humain, Sonia Lupien ne dit pas autre chose dans ses livres qui ont pour nom Par amour du stress (Au carré, 2010) ou À chacun son stress (Va Savoir, 2019). Ce sont les chercheurs et les médias qui ont fait du stress un agent toxique, prétend-elle. Au fond, la réponse au stress est un mécanisme qui a permis aux humains de survivre aux attaques de mammouths. Les uns, plus angoissés devant les menaces, protégeaient les enfants alors que les autres partaient avec leurs lances et leurs arcs affronter le danger.
Sonia Lupien me disait récemment au cours d’un entretien que l’angoisse collective qui accompagne la pandémie de COVID-19 a fait perdre à beaucoup de gens l’idée de rire… et de respirer par le nez. L’humour, comme le yoga, est un exutoire gratuit à portée de mains pour tous. Il n’existe pas de médicaments contre le stress et « j’espère qu’il n’y en aura jamais », lance-t-elle.
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