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Des mines carboneutres
Un article d’Audrey-Maude Vézina
Des exploitations minières neutres en carbone, ce serait possible ? Des chercheurs canadiens y travaillent. Leur objectif : utiliser les résidus des mines pour capter le CO2.
L’exploitation de minerai demande beaucoup d’énergie. Souvent isolées, les mines ne peuvent pas se tourner vers l’hydroélectricité. Elles doivent brûler des combustibles pour s’alimenter. À ces émissions de CO2 s’ajoutent celles des camions et de la machinerie.
Comment compenser ces gaz à effet de serre ? La réponse se trouve dans les déchets miniers. Ce ne sont pas de véritables déchets. En fait, ce sont les restes de la formation géologique. Lorsque le minerai est extrait, l’ensemble rocheux dans lequel il se trouve n’est pas exploitable. Il reste tout de même utile.
Depuis une quinzaine d’années, les scientifiques constatent que certains types de résidus miniers réagissent naturellement avec le CO2 contenu dans l’atmosphère. Ils comprennent de mieux en mieux les mécanismes derrière cette réaction, appelée carbonatation minérale. « On s’est rendu compte qu’on sous-estimait la quantité de CO2 que ces matériaux pouvaient capter », rapporte Louis-César Pasquier, professeur adjoint à l’INRS et membre du projet pancanadien.
Une réaction naturelle
Les résidus qui captent naturellement le CO2 sont formés de silicate de magnésium. On les retrouve dans les exploitations de diamant ou de nickel par exemple. Pour régir avec le CO2, le complexe rocheux a seulement besoin d’un peu d’eau. Ça peut être de la pluie ou de l’eau souterraine. Le gaz va se dissoudre dans cette eau et générer de l’acidité. La solution acide va altérer la formation géologique et exposer le magnésium qui s’y trouve. Ce métal réagira avec le CO2 pour former du carbonate de magnésium. En quelque sorte, le CO2 gazeux se transforme en un solide stable et inerte.
Une fois précipité, ce carbonate ne présente pas de risque pour l’environnement. « Quand le CO2 réagit avec le magnésium et que le carbonate précipite, il y a très peu de chance que la réaction se fasse en sens inverse, c’est-à-dire que le CO2 soit dégagé à nouveau. Ça va rester en place pendant plusieurs centaines d’années, voire des milliers », souligne le professeur.
Un coup de pouce
Tout ça se fait naturellement, mais on peut accélérer la réaction pour la rendre plus efficace. « De meilleures pratiques d’entreposage peuvent optimiser la réaction. Par exemple, plutôt que mettre les résidus dans des piles, ça pourrait être étalé sur une plus grande surface. Ça améliore ainsi l’échange avec l’atmosphère pour que plus de matériel réagisse », explique-t-il.
Seuls 10 % des résidus miniers réagiront facilement à court terme. « Le 90 % qui reste sera plus compliqué à aller chercher. Le matériel est plus stable alors ce sera plus difficile de le faire réagir », précise le professeur. Même si c’est seulement 10 % des résidus qui réagissent, les chercheurs canadiens croient que ce serait suffisant pour capter l’ensemble des émissions de l’exploitation.
« On pourrait penser à capter directement les émissions à la cheminée. Mais les résidus miniers ont l’avantage de capturer le CO2 de la cheminée en plus de compenser les émissions des véhicules », soutient Louis-César Pasquier.
Audrey-Maude Vézina est détentrice d’un baccalauréat en physique de l’Université Laval. Elle avait « plus envie de parler de recherche que de la faire », alors elle s’est réorientée en journalisme scientifique. Elle est lauréate de la bourse Fernand-Séguin 2018. Elle a contribué au site web du magazine parisien La Recherche. Ses thèmes de prédilection sont l’environnement et la biodiversité.
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