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L’avenir de la pollinisation agricole

12.06.19

Un article d’Audrey-Maude Vézina


Les fleurs sortent dans les champs et les abeilles s’activent. Canola, pommes, fraises et bleuets. Le tiers de la production agricole canadienne dépend des insectes pollinisateurs. Ils augmentent la production de fruits ou de graines, et même la diversité génétique. Le mélange qui se fait entre les gènes contribue à une plus grande résistance des cultures. Ainsi, lorsqu’elles font face aux maladies et aux ravageurs, les plants plus forts survivent.

Un déclin alarmant

Les insectes pollinisateurs sont très importants pour l’agriculture, mais leur nombre baisse de façon alarmante depuis une quinzaine d’années. Leur forte mortalité serait en partie liée à l’intensification de l’agriculture. La demande croissante de produits agricoles entraîne l’aménagement de nouveaux champs et donc une perte du territoire naturel. « Il y a une destruction du paysage. Il n’y a plus de fleurs sauvages. Qu’il y ait une culture, puis une autre culture, et à côté, une route. C’est la cause principale à mon avis », observe Olivier Slupik, étudiant à la maîtrise en biologie végétale et spécialisé dans les abeilles.

Les insectes pollinisateurs sont tous en déclin, mais la situation des abeilles est la plus préoccupante. Ces travailleuses sont victimes de l’utilisation systématique de pesticides comme les néonicotinoïdes. Ceux-ci s’attaquent au système nerveux des abeilles. La perte d’orientation importante et la diminution du niveau de ponte des reines fragilisent la survie des colonies.

La location de ruches

Avec la diminution des abeilles sauvages, certains agriculteurs louent des ruches aux apiculteurs et les installent dans leurs champs. Les abeilles domestiques assurent la pollinisation, mais elles font concurrence aux abeilles sauvages qui occupent déjà le territoire. « Les abeilles domestiques vont épuiser toutes les ressources florales. Cette compétition n’est pas une raison principale du déclin, mais ça peut nuire à une échelle locale », avance Olivier Slupik. En plus de la concurrence, les abeilles domestiques peuvent aussi transmettre des virus aux insectes sauvages. Et leur élevage en grande quantité peut accélérer la transmission des maladies.

Des aménagements agricoles salutaires

Il n’est pas trop tard pour sauver les insectes pollinisateurs. « On connaît les mesures qu’il faut prendre, il faut maintenant que les agriculteurs passent à l’action. Il faut aussi qu’ils soient encouragés par leurs agronomes à le faire », affirme Olivier Slupik. Un axe de solutions est de fournir une plus grande quantité et diversité de ressources alimentaires. Les producteurs agricoles peuvent aménager des zones de diversité florale autour de leurs champs.

Ils peuvent aussi introduire des cultures de couverture composées de plantes à fleurs comme le trèfle. Les agriculteurs doivent aussi éviter la coupe systématique des fleurs près des cultures. « C’est un peu un dilemme de laisser les fleurs de type sauvage en bordure des champs, parce que ça peut être considéré comme de la mauvaise herbe qui envahit le champ après. Mais en même temps, si on coupe ces fleurs-là, on a un autre problème parce qu’on nuit à la santé des pollinisateurs qui sont bénéfiques aux cultures », explique Olivier Slupik. En plus de l’aménagement, le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et Alimentation du Québec (MAPAQ) conseille aux producteurs de limiter l’usage des pesticides et de planifier l’application pour réduire les impacts négatifs. Une agriculture réfléchie contribuera à la survie de nos insectes pollinisateurs.


Audrey-Maude Vézina est détentrice d’un baccalauréat en physique de l’Université Laval. Elle avait « plus envie de parler de recherche que de la faire », alors elle s’est réorientée en journalisme scientifique. Elle est lauréate de la bourse Fernand-Séguin 2018. Elle a contribué au site web du magazine parisien La Recherche. Ses thèmes de prédilection sont l’environnement et la biodiversité.

Pour en apprendre plus sur le sujet de ce billet, consultez le livre de Jean-Pierre Rogel, La crise des abeilles.

Commentaires

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Une réponse à «L’avenir de la pollinisation agricole»

Les agriculteurs ont déjà amorcé une forme de virage. Bien que nos gouvernements soient extrêmement frileux face au puissant ``lobby`` des géants tel que Bayer et Mosanto. Je crois qu`il incombe maintenant au consommateur (du moins, en partie) de soutenir le virage de ce gigantesque ``paquebot agricole`` en faisant des choix de consommation judicieux. L’argent reste encore le nerf de la guerre.

—  Par Alain Magnan, le 22.08.2019